Overblog
Edit page Follow this blog Administration + Create my blog
/ / /

Monsieur,

Vous ne pensez pas sérieusement, je pense,  que la mauvaise performance des Français en langue anglaise soit due aux méthodes pédagogiques mises en oeuvre. Cela reviendrait à dire que si les Zambiens parlent mieux l’anglais que le français alors que les Congolais de l’autre côté de la frontière font tout l’inverse, tandis qu’ils ont les mêmes langues maternelles, c’est à cause de méthodes pédagogiques. Non bien sûr, il s’agit là-bas à l’évidence d’histoire et de culture. Je pense qu’il en est de même pour la France, pays qui a dominé le monde et imposé sa langue à de nombreux domaines internationaux et qui aujourd’hui continue à bénéficier de la plus grande Zone Économique Exclusive derrière les U.S.A. ; le petit Français, inconsciemment, est persuadé que le français suffit à une carrière, même internationale.

Mais parions un instant qu’il s’agisse bien de méthodes pédagogiques et alors constatons que ce déclin des performances est concomitant ou conséquence de ces réformes faisant de l’enseignant cet expert qui devrait créer son enseignement from scratch  et se passer de manuel ; concomitant ou conséquence de cette opprobre, favorisée ou non par les textes, toujours prégnante sur le terrain, jetée sur l’utilisation du français comme outil en cours d’anglais ; concomitant ou conséquence de cette injonction à faire écrire par les élèves dans leurs cahiers ce qu’ils auront eux-mêmes produit. Voilà trois dogmes qui me font me demander si votre négation d’une orthodoxie didactique ne relève pas plus de l’incantation que de l’observation, et dont je parierais bien qu’ils sont les vrais coupables.

   Le tabou du manuel  a progressivement provoqué, je le constate, une situation partagée entre hypocrisie et médiocrité. L’hypocrisie tient à ce qu’il est rigoureusement impossible,  a fortiori pour un débutant, de construire une succession coordonnée, logique et exhaustive sur l’année, de scénarios pédagogiques sur plusieurs niveaux de classes (jusqu’à 6 niveaux !) Donc la grande majorité des collègues se rabattent naturellement sur les manuels, ce qui n’est pas si mal, mais aussi sur le marché noir des projets pédagogiques, essentiellement sur la Toile où l’on se partage, pille, échange allègrement toutes sortes de choses qui ne sont évaluées par personne, choisies en fonction de modes passagères et sur la seule preuve qu’elles auraient marché dans un cas particulier.

Reste une minorité de collègues,  j’en ai rencontré, elles existent, c’est vrai, qui ont la fibre didactique et sont capables des meilleures choses, j’en conviens, mais, franchement, ces productions individuelles sont-elles vraiment de qualité supérieure (notamment sur le long terme) à celle des équipes d’auteurs de manuels ? Équipes qui comprennent souvent un inspecteur, toujours un ou deux agrégés, toujours un ou deux locuteurs natifs, toujours un grammairien ?

On ne peut qu’en douter, d’autant que les critiques qu’on formule à l’égard des manuels, fors ceux parfaitement sans aucune pertinence comme leur aspect commercial (ne sommes-nous pas payés nous aussi ?), on se garde bien de les exposer de manière publique par écrit et on se contente de quelques coups de griffe, toujours les mêmes (par exemple ces exercices qui évalueraient avant de former, la bête noire dont finalement je ne suis pas persuadé qu’elle soit néfaste) ou de bons mots au cynisme injuste (manuelsmicroondés). Et voilà des générations entières d’ apprenants abandonnés à toutes sortes de lubies médiocres, bien dans l’air du temps évidemment, dont les plus favorisés se tireront sans égratignures bien sûr, mais où les autres erreront sans boussole ni la lifeline  d’un manuel auquel on peut se réferer en toutes circonstances.

  Le tabou de la traduction en français nécessite une analyse plus nuancée. Je ne mets pas en question la nécessité du tout-anglais poussé au maximum. Il n’est que de voir des élèves spontanément adresser la parole en anglais à leur professeur pour se passer de démonstration scientifique. Je crois cependant que ce même professeur qui, parlant (presque) tout le temps anglais, peut avoir recours à la traduction par les élèves, pour expliciter une consigne, vérifier que le sens d’un mot est compris, pour compare les structures syntaxiques et en montrer le génie propre à chaque langue, etc. Je crois même qu’il y a là matière à thèse, dans cette pseudo-science qu’est la didactique,  pour affirmer la traduction comme outil global d’apprentissage. Vous et moi n’avons nous pas appris la langue à coups de thèmes et de versions ? Ne continue-t-on pas à recruter l’élite avec une valeur ajoutée à la traduction ? Alors pourquoi la chasser des collèges ?

 

Le tabou de la trace écrite-production d’élève est une utopie soixante-huitarde que j’ai mis longtemps à démasquer. L’idée que les élèves connaissent déjà tout et qu’il suffirait de les faire accoucher ne peut se passer de laborieuses, voire douloureuses et ridicules, manipulations. À l’inverse, une trace écrite (conservons le terme pourtant inutilement péjoratif et réducteur), soigneusement préparée par l’enseignant, attentive à aider l’élève dans sa mémorisation, opportunément inscrite dans une progression régulière, me paraît bien plus raisonnable et logique.


 `` Mais je disais en introduction que c’était un pari. Soyons rassurés : les mauvaises performances des élèves français en anglais ne peuvent pas être imputées aux nouvelles méthodes pédagogiques innovantes et ambitieuses, de ces dernières décennies.

Je vous prie d’agréer, Monsieur l’Inspecteur, l’expression de mon respect et de mon dévouement.


Share this blog
Repost0

Overview

  • : Mr. Magnouloux's example blog
  • : A threadbare blog to engage my pupils to do the same, only better.
  • Contact

Profile

  • Mr Magnouloux
  • I'm almost 6 foot tall, and about 7 stones. I was born on July 18th, 19XX. I have got short brown hair, brown eyes and I'm slim. Ilike cycling, stone-masonry and literature.
  • I'm almost 6 foot tall, and about 7 stones. I was born on July 18th, 19XX. I have got short brown hair, brown eyes and I'm slim. Ilike cycling, stone-masonry and literature.